Le rythme dans le taïjiquan - Grand Stage VS Cours Hebdomadaire
Par gilles le samedi, juin 22 2019, 21:10 - Chroniques - Lien permanent
Le Rythme dans le taïjiquan !
Le rythme s’apprend plus implicitement dans le cours hebdomadaire et plus explicitement dans le Grand Stage.
Mais d’abord, quel est la différence entre le Grand Stage et le Cours Hebdomadaire ?
Le cours hebdomadaire dure 90 minutes une fois par semaine. Le grand stage dure toute la journée et s’échelonne sur plusieurs jours.
Mais il y a beaucoup plus : les contenus diffèrent grandement.
Pour en avoir une idée, il peut être utile de faire un lien entre la musique et le taïjiquan.
______________________________
Dans la musique, comme dans le taïjiquan, on peut distinguer 3 aspects : la composition, l’interprétation et l’exécution.
La composition
Dans la musique, disons une symphonie, la composition se transmet aux interprètes par l’entremise d’indications pertinentes, principalement la partition. Sans ces informations pertinentes, les interprètes feraient entendre autre chose que l’œuvre initiale du créateur de la symphonie, on parlera alors d’improvisation.
Dans le taïjiquan, la transmission s’effectue via la forme (un enchaînement qui rassemble les postures), les postures (qui proviennent de perfectionnements millénaires issus des nécessités vitales du combat), les manœuvres (rythmes de la posture et de la forme) et les phases (segments du rythme). Le taïjiquan est principalement une tradition, donc issu d’une composition. Il peut arriver que le taïjiquan soit une improvisation, mais seulement dans des conditions très particulières dont il ne sera pas question ici.
Découverte au début des années 1950, cette tablette d’argile datant du XIVe siècle avant Jésus Christ est la plus vieille pièce de musique connue à ce jour.
Après des recherches dans l’ancienne ville syrienne de Ugarit, cette plaque d’argile recouverte de signes cunéiformes en langue hourrite s’avère être la plus ancienne trace de musique présente à ce jour. D’après les scientifiques, il s’agirait d’un hymne à Nikkal, la femme du dieu de la lune Yarikh. Cette chanson évoquerait une femme qui n’arrive pas à avoir d’enfants, et fut un véritable succès populaire à l’époque. Source : https://dailygeekshow.com/vieille-musique-monde/
L’interprétation
Dans la musique, il est primordial de premièrement apprendre le fonctionnement et de perfectionner le maniement de l’instrument. Puis on apprend à lire et interpréter les informations pertinentes, que sont par exemple la partition d’une symphonie.
Dans le taïjiquan, les instruments sont au nombre de cinq : la respiration, la détente, l’alignement, le mouvement et le Qi (énergie vitale). Comme dans la musique, il est tout aussi incontournable de se familiariser au préalable avec les instruments. Pour apprendre et perfectionner chaque instrument, interviennent alors les précieuses techniques (plus anciennes que la forme, les postures, les manoeuvres et les phases) qui s’effectuent hors de la forme, souvent au sol en position assise ou debout. Ensuite, et dans un deuxième temps, il y aura l’apprentissage d’interprétation de la « partition » (faite de la forme, des postures, des manœuvres et des phases) ce qui permettra d’accéder aux compositions des créateurs du taïjiquan. Apprendre et perfectionner les « instruments » que sont la respiration, la détente, l’alignement, le mouvement et le Qi est malheureusement un aspect mal compris et souvent négligé du taïjiquan.
L’exécution
Dans la musique, une symphonie par exemple, l’exécution est l’aboutissement, La composition et l’interprétation convergent vers la présentation d’un concert, dans lequel se manifestera un esthétisme.
Les vagues souples m’ont appris d’autres cadences.
Plus belles que le rythme las des chants humains.
Dans le taïjiquan, l’exécution, l’aboutissement est le Naturel. Il n’y a ni concert, ni spectateurs. Il y a seulement une lente et patiente exécution régulière qui évolue progressivement vers le Naturel avec l’aide ce qui porte le nom de shì, de yì, de zhì et de xìn. On touche ici à un aspect incontournable souvent ignoré du taïjiquan, ce qui équivaudrait à réduire la musique à une reproduction mécanique des notes d’une partition.
Cours hebdomadaire VS Grand Stage
Dans les cours hebdomadaires on apprend d’abord le maniement et le perfectionnement des instruments (respiration, détente, alignement, mouvement et Qi). On apprend aussi à déchiffrer et à réaliser la composition (forme, postures, manœuvres et phases). On laisse aussi subtilement et plus implicitement qu’explicitement s’installer et évoluer l’exécution (shì, yì, zhì et xìn).
La formule du Grand Stage n’est pas conçu pour apprendre la partie la plus visible de la compositions (forme et postures) mais pour raffiner le maniement des instruments (respiration, détente, alignement, mouvement et Qi) avec le partie plus raffinée de la composition (manoeuvres et phases) et pour favoriser l’émergence du Naturel avec le shì, le yì, le zhì et le xìn, lesquels favorisent l’exécution et l’apparition de la musique du Naturel.
À ce sujet, il est courant en Chine de décrire le taïjiquan avec l’expression dào wǔ (wudao, danse du Dao).
« wǔ » signifie « danse »
« dao » constitue l’appellation chinoise du Naturel.
Tandis que le cours hebdomadaire, 90 minutes à la fois chaque semaine, permet une installation lente et progressive, de la trame de l’exécution, dans le Grand Stage, avec consécutivement plusieurs fois toute une journée, le temps et l’espace deviennent des alliés puissants pour raffiner l’exécution.
En simplifiant, dans le cours hebdomadaire nous installons la base de l’interprétation et de l’exécution, tandis qu’avec le Grand Stage, nous utilisons des petits segments de l’exécution pour approfondir l’interprétation et l’exécution afin d’en distiller toute la magie créatrice implantée par ses inventeurs lointain.
Ainsi, le grand stage et le cours hebdomadaire se complètent admirablement bien.
Tout sur nos Grands Stages été 2019.
Le rythme dans le taïjiquan
Dans le taïjiquan, le rythme est le fil d’Ariane qui permet de relier correctement la composition, l’interprétation et l’exécution. Le rythme se retrouve dans ce qu’on peut appeler les 4 lieux, les 5 substances et les 4 ressources.
Les 4 lieux
Les 4 lieux sont en quelque sorte le terrain de jeu du rythme, là où il se manifeste, là où il apparaît le plus facilement.
- On trouve d’abord le rythme dans la forme, cet enchaînement de mouvement lent. C’est ce qui donne l’impression de flotter sur un nuage avec les deux pieds solidement sur terre.
- La forme est composée de postures qui ajoute les couleurs de la diversité au déroulement de la forme.
- Chaque posture à son tour est alimentée par la manoeuvre, qui contient les mécanismes plus invisibles du rythme (les 5 substances).
- La manoeuvre se subdivise en phases, segments de la manoeuvre.
Les 5 substances
Les 5 substances correspondent aux instruments dans la comparaison avec la musique. Ce sont les joueurs sur le terrain de jeu du rythme. Ils existent et se manifestent grâce aux 4 lieux et dans les 4 lieux.
- La respiration est la porte d’entrée du rythme avec les alternances de l’inspiration et de l’expiration, avec l’apnée à plein et l’apnée à vide, avec la respiration thoracique et abdominale, avec la respiration sub-ombilicale, par le repère avant et par le Dantian, avec la respiration par étage, claviculaire et rénale, avec la respiration à deux temps, à trois temps et à quatre temps. Nous respirons depuis notre venue au monde jusqu’à notre dernier souffle. À la fois automatique et invisible, la respiration est aussi accessible à un certaine contrôle de notre part.
- La détente est un rythme plus imperceptible mais non moins important. Contractions et relâchements musculaires forment des cycles qui articulent chaque moment de notre existence.
- Avec l’alignement nous entrons dans des rythmes moins connus mais plus fondamentaux. La verticalité n’est jamais complètement achevée ni complètement compromise, ce qui forme le duo caractéristique de l’Homo sapiens (l’Homme moderne, notre espèce). Une des spécificités de la biologie humaine est la bipédie, i. e. la marche en station verticale.
- Le mouvement, appelé ainsi par simplicité de mots ou par pauvreté de vocabulaire est en fait une transformation. Il n’y a pas de « déplacement » de la main d’un point A à un point B, mais un processus en évolution. D’un moment à l’autre, ce n’est plus la même main, ne serait-ce que par le nombre de cellules constamment remplacées par d’autres. De secondes en secondes, les points A et B, ne sont plus les mêmes de par la rotation de la Terre sur elle même et autour du Soleil. Avec le mouvement donc, nous entrons dans les rythmes de transformation de la texture même de l’Univers.
- Le Qi (énergie vitale) est le rythme le plus typique du taïjiquan. Avec le Qi, nous atteignons la substance même de qui est. Les manifestations du Qi sont nombreuses et, tandis que la respiration est la porte d’entrée du rythme, le rythme est la porte d’entrée du Qi.
Les 4 ressources
Les 4 ressources forment en quelques sortes les règles et les modes d’action des rythmes qui régissent les joueurs (les 5 substances) sur le terrain de jeu (les 4 lieux).
- Le shì (l’intention Naturelle) établit que le rythme est bel et bien un jeu. Le jeu n’est ni travail ni fainéantise, ni ascèse ni nonchalance, ni performance ni indolence.
- Le yì (l’action Naturelle) affirme que finalement, tout se joue dans le rythme entre la volonté et la spontanéité.
- Le zhì (l’état Naturel) aborde les moments forts du rythme que sont : le perceptible et l’imperceptible, le concevable et l’inconcevable, le personnel et l’impersonnel.
- Le xìn (coeur, le Naturel) est l’expression pure du Naturel.
Une autre comparaison simplifie la description du taïjiquan. Ce qu’on peut apprendre du taïjiquan (tai chi) s’apparente à ce qu’on peut apprendre du piano. Il y a : 1) ce qu’on peut voir, 2) ce qui assure le fonctionnement et 3) ce qui libère l’essentiel.
Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse.
Et roule bord sur bord et tangue et se balance,
Les vagues souples m’ont appris d’autres cadences.
Plus belles que le rythme las des chants humains.
Voilà, je suis parti plus loin que les Antilles
Vers des pays nouveaux lumineux et subtils
Je n’emporte avec moi pour toute pacotille
Que mon cœur
L’horizon Chimérique - extrait
Jean de la Ville de Mirmont (1886-1914)