Les voeux du Nouvel An ! (le souhait unifié)

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Bonne année 2015 !

Quels souhaits pourrait-on formuler pour la nouvelle année ?
Que nous enseigne le taïjiquan à ce sujet ?
 

Disons d’emblée que le taïjiquan est un enseignement de premier niveau, un enseignement sans matière académique et un enseignement ouvert.

Un enseignement de premier niveau, car le second niveau serait de nous de nous dire ce qu’il faut faire, tandis que le taïjiquan nous aide à prendre nos propres décisions.

Un enseignement sans matière académique, car un enseignement avec de la matière académique nous livrerait des recettes, des formules, des théories, des commandements ou des dogmes sur ce qu’il convient de faire dans la vie, tandis qu’avec le taïjiquan nous devenons plus fort, plus souple, plus détendu, plus centré, plus attentif et plus sensible afin de faire face nous même aux multiples choix de l’existence.

Un enseignement ouvert, car un enseignement fermé nous donnerait une vision du monde, tandis que le taïjiquan nous laisse libre de trouver celle qui nous est propre.

On dit que si quelqu’un a faim, il est plus utile de lui montrer à pêcher plutôt que de lui donner des poissons. Apprendre le taïjiquan s’apparente à apprendre à pêcher les poissons, à chasser le gibier, à trouver de l’eau, à labourer la terre, etc.

Alors, quels souhaits pourrait-on formuler pour la nouvelle année ? La santé, l’amour, l’argent ?
Ce sont tous des souhaits légitimes et on pourrait en formuler bien d’autres ainsi.

Cependant, le plus intéressant est probablement de ne RIEN souhaiter !
Sauf peut-être de formuler un SOUHAIT UNIFIÉ !

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NE RIEN SOUHAITER

Le souhait d’obtenir quelque chose, n’écarte-t-il pas tout le reste ? Ne rien souhaiter, ne laisse-t-il pas la porte ouverte un infini de possibilité. Laissons d’abord la parole à Schopenhauer qui explique cette idée plus en détail.

Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus, le désir est long, et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte, et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême lui-même n’est qu’apparent : le désir satisfait fait placé aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue.

La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable.

C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. — Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un : l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible.

Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes (1) qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré.

Mais vienne une occasion extérieure ou bien une impulsion interne qui nous enlève bien loin de l’infini torrent du vouloir, qui arrache la connaissance à la servitude de la volonté, désormais notre attention ne se portera plus sur les motifs du vouloir ; elle concevra les choses indépendamment de leur rapport avec la volonté, c’est-à-dire qu’elle les considérera d’une manière désintéressée, non subjective, purement objective ; elle se donnera entièrement aux choses, en tant qu’elles sont de simples représentations, non en tant qu’elles sont des motifs : nous aurons alors trouvé naturellement et d’un seul coup ce repos que, durant notre premier asservissement à la volonté, nous cherchions sans cesse et qui nous fuyait toujours ; nous serons parfaitement heureux.

Tel est l’état exempt de douleur qu’Épicure vantait si fort comme identique au souverain bien et à la condition divine : car tant qu’il dure nous échappons à l’oppression humiliante de la volonté ; nous ressemblons à des prisonniers qui fêtent un jour de repos, et notre roue d’Ixion ne tourne plus.


Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, Traduction par Auguste Burdeau. Librairie Félix Alcan, 1912 (6e éd.) (Tome premier, pp. 202-207).
wikisource
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(1) Les Danaïdes
Dans la mythologie grecque, les Danaïdes (en grec ancien Δαναΐδες / Danaídes) sont les cinquante filles du roi Danaos. Elles accompagnent leur père à Argos quand il fuit ses neveux, les cinquante fils de son frère Égyptos. Après avoir proposé une réconciliation, elles épousent leurs cousins et les mettent à mort le soir même des noces sur l’ordre de leur père. Les Danaïdes sont condamnées, aux Enfers, à remplir sans fin un tonneau sans fond.

wikipedia









FORMULER UN SOUHAIT UNIFIÉ

Que ce soit à l’occasion du Nouvel An ou à tout autre moment, nous émettons souvent des souhaits tout en demeurant en état de division intérieure. Par exemple, avec la tête nous émettons des pensée qui vont dans le sens du bonheur, mais avec notre cœur nous restons dans des émotions tristes venues du passé. Un autre exemple : nous souhaitons quelque chose mais tout en restant éloigné des sensations corporelles d’y être vraiment.

Si notre cœur, notre corps et notre esprit réunis émettent un souhait, celui-ci s’accomplira, disaient les Chinois de l’antiquité. Le taïjiquan, comme beaucoup d’autres traditions orientales, permet justement d’unir le cœur, le corps et l’esprit et donc de réaliser des souhaits unifiés.

Donc, pour la nouvelle année, il peut être plaisant de se souhaiter mutuellement la santé, la prospérité, le bonheur, etc. mais ce ne sont en définitive que des formules de politesse.

Le meilleur souhait ne sont-ils pas ceux que l’ont se fait soi-même à soi-même ?

Alors, peut-être est-il préférable de ne RIEN souhaiter ?
Et, par la même occasion, pourquoi ne pas tenter d’unir le cœur, le corps et l’esprit pour effectuer des souhaits unifiés ?

Bof ! Tout cela fait très sérieux alors que nous sommes dans une période de grande festivité !
Donc, comme on disait il n’y a pas si longtemps : Bonne année grand nez !

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